Lettre d'un ange au monde des grands

J'ai eu huit ans. Je suis entouré d'adultes, et vous m'apprenez ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Soit poli, partage avec tes camarades, soit gentil avec tes frères et sœurs. Attention, il ne faut pas mentir, ce n'est pas bien. Mais, j'ai une question pour vous les adultes : qu'est-ce que vous faites de toutes ces leçons, de tous ces bons conseils ? Est-ce que vous pensez, vous, à vos frères et sœurs ? Vous arrive-t-il de mentir lorsque ça vous arrange ? Avec qui partages-tu ?

Vous avez en main nos vies, l'avenir de notre monde, de notre environnement, et qu'en faites-vous ? Je vous vois, vous détruisez tout. Nous sommes les enfants du monde, et vous êtes responsables du monde dans lequel nous grandissons. Juif ? Musulman ? Pendant que vous vous entre-tuez, nous grandissons en plein carnage, dans le bruit des bombes, dans les poussières d'un monde qui s’effondre étrillé par votre orgueil, votre soif de pouvoir. Est-il normal à huit ans d'avoir le bras arraché ? De se vider de son sang jusqu'à ce que ce petit cœur, qui n'a pas eu le temps grandir, s'arrête ?

Nous, les enfants, nous avons confiance en vous, malgré tout. Nous continuons de croire vos paroles, de vous admirer. Mais vous, vous ne passez pas une seule journée sans nous trahir. Vous nous inculquez des mensonges, vous nous inspirez la haine, vous nous préparez à être encore plus monstrueux que vous. Vous vous parez d'une auréole, vous vous gargarisez d'être ceci ou cela, mais vous ne regardez que vos pieds. Si je n'ai pas la bonne origine, la bonne couleur, même enfant, je vous inspire le mépris.

Cessez donc de nous donner des leçons que vous-mêmes, ne respectez jamais. Cessez donc de nous faire croire que vous nous protégez quand en réalité vous laissez les enfants être maltraités, torturés, violés, tués, massacrés. Cessez vos belles paroles, cessez vos mensonges, et par pitié, pour une fois, regardez la réalité en face, regardez-vous. Oui, vous êtes beaux dans votre belle voiture, oui tu as réussi professionnellement, oui, elle est belle ta montre ; oui, mais au fond, ton cœur est putréfié, ta conscience est morbide, ton âme pleure de ce que tu es devenu.

J'ai eu huit ans, je n'en aurais jamais neuf, jamais. Hier, ma maison m'est tombée dessus, pour une guerre, un idéal, des idées auxquelles je n'ai jamais rien compris. J'ai vécu toute ma vie dans la peur, protégé par le sein de ma mère, mais sous le poids des bombes, son corps déchiqueté n'a rien pu faire. Le bouclier de son amour a cédé sous le poids de vos haines. Et peu importe que je sois d'un côté du mur ou de l'autre, car je n'étais qu'un enfant, un innocent, et je suis mort par votre faute, votre stupidité, votre orgueil, votre méchanceté. Vous aspirez au paradis ? Vous l'aviez votre paradis, il s'appelait Terre, et vous en avez fait un enfer.

Je suis parti maintenant, il est trop tard pour moi, mais des enfants comme moi, il en existe encore bien d'autres, des millions, exploités, apeurés, souffrant l'injuste martyr. Alors toi, l'adulte, que vas-tu faire aujourd'hui pour essayer de les sauver ?

Chroniques-Humaines