J’ai vu la face cachée de la haine

Je te vois la haine, toi et ta face obscure, tu as peine à te montrer mais je sais que tu es jalouse. Tu n’as pas vocation à rendre heureux. Tu ne peux qu’être détestée et je plains ta destinée. Tu avances dans ce monde en rependant la vengeance et la soif de violence. L’amour est une merveille enveloppant la vie d'une forme de magie. Toi tu n’as pas la chance de connaître la plénitude, tu vis dans un monde en perpétuel conflit. Mais quelle est ta vraie nature, ton pourquoi ? Tout ce qui existe a une raison d'être, une place dans ce grand tout, et ton impact est tel que tu ne peux être ignorée. Ton existence ne peut pas être vide de sens.

L’univers est une grande horloge dont les rouages sont complexes. La lumière physique n’est qu’une interprétation partielle de l’onde électromagnétique. Un homme est une fraction d’humanité. Toi la haine tu es une expression de l’Émotion majuscule. Les émotions sont une seule et même chose mais pouvant prendre plusieurs formes. Elles sont un message qui résulte de nos perceptions plus ou moins en phase la réalité. La peur nous incite à la prudence, l’amour nous rapproche. Toi et ton ami la colère incitez à la rébellion et c’est là votre vocation. Tant qu’il y aura des choses détestables, il sera nécessaire de haïr. Haïr l'injustice, la méchanceté, la violence, et tant d'autres sources de souffrances injustifiées, c'est partie prenante de l'empathie, c'est ça aussi être conscient.

Es-tu par définition une intention nuisible ? Pas vraiment : pour toutes choses, il y a de multiples fonctions. Tu n’es pas responsable des comportements que tu inspires. Comme toutes choses ta réputation dépend de l’utilisation que l’on fait de toi. La poudre n'a pas été inventée pour créer le fusil, mais les hommes ont inventé les bombes et se sont jetés vers la mort dans des proportions industrielles. Français et Allemand se haïssaient, c’est un fait, (il reste d’ailleurs une certaine rancœur tout à fait perceptible), mais toi en tant que telle qui est venue te glisser entre eux. Ce sont leurs propres démons qui les ont conduits à se détester pour des raisons diverses mais toujours puériles et d'une affligeante stupidité. Si ces deux peuples avaient préféré haïr la guerre nous n’aurions jamais connu ces massacres sans nom. La poudre n’est pas responsable de ce que l’on en fait, elle peut illuminer le ciel de mille couleurs les soirs de fête ou semer la mort et le chaos. Il y a toujours une main derrière l'outil.

Les émotions sont une inspiration qui vient de l’intérieur. Elles résultent de notre appréciation de l’instant et se cristallisent en un sentiment qui est lui-même le reflet de nos intentions. Nos haines, nos passions, nos indifférences, nos exagérations, tout cela n'est que le reflet de ce que notre nous profond perçoit de ce qui nous entoure, des événements, de la vie, des autres. Tout ce qui ne se dit pas s’exprime en émotion. Notre haine est le fruit de notre propre vibration, elle est l’écho de notre indignation ou de notre mépris. Elle peut aussi être le résultat d’un sentiment d’injustice pas toujours justifié, ou d'un dégoût de ce qui nous est étranger. Mais tout sentiment reste avant tout une conséquence de notre manière de percevoir le monde qui nous entoure, de notre façon d'être avec les autres. Les sentiments n'incitent à l'action que celui dont l'âme est prisonnière d'une illusion macabre, de l'ignorance de soi. La sagesse c'est aussi agir en conscience, en osmose avec son âme. Pour le sage, l'amour, la haine, et tous les sentiments qui nous habitent ne sont que des informations et qui ne troublent en rien son jugement. Mais nous autres pauvres mammifères ont encore fort à faire pour être de ceux-là.

Nous sommes responsables des réactions que nous imputons trop souvent à nos émotions. Nous avons le souci de croire que nous réagissons à ce que nous vivons alors que notre vécu est le résultat de nos actions et de nos réflexions intérieures. Nous pouvons haïr la haine comme nous aimons l’amour, mais nous ne pouvons pas faire comme si elle n'existait pas, ou pire, comme si elle n'avait pas de raison d'être. Dieu ne fait rien par hasard. Si nous comprenons que ce nous ressentons n'est pas une marche à suivre, si nous comprenons que la haine et l'amour, l'angoisse et la sérénité, l'envie et le dégoût, ne sont que les expressions d'une même « chose » à des degrés différents, nous pouvons alors envisager de les dominer, et plutôt que d'en être les esclaves, nous en deviendrons les maîtres. Et celui qui maîtrise ses émotions a la voie grande ouverte vers la maîtrise de soi, un pas essentiel pour quiconque aspire à l'émancipation de l'âme. Par contre, pour celui qui se laisse ronger par ses émotions, il n'existe pas de sentiment positif, pour lui, la dérive est inexorable. 

« Tout est une question de sagesse et la haine est un indicateur qui ne doit pas, comme aucun sentiment, être perçu comme une marche à suivre en dehors de toute raison. »

Chroniques-Humaines